Concernant l’absence de fidélité des enceintes de cinéma qui a été évoqué plus haut, je m’apprêtais à écrire sur le fait que le cinéma n’est pas une copie de la réalité. Que ce n’est qu’une illusion, y compris (même surtout) pour le son.
Que si le matériel n’est pas fidèle (dans le sens d'incapable de reproduire un son naturel), ce n’est pas un problème.
En gros la même idée que j’ai déjà développé à de nombreuses reprises (désolé, je n’en ai pas beaucoup en réserve

)
Pour une fois le hasard fait bien le choses car il se trouve que, cet après-midi, je suis tombé sur un autre post de Jean-Pierre Lafont qui dit exactement ce que je cherchais à exprimer ! Mais en beaucoup (vraiment beaucoup) mieux que je ne l’aurais fait moi-même. Je me permets donc de le citer une nouvelle fois, car à mon sens il y a là quelque chose de fondamental en ce qui concerne la fidélité (d'une manière générale), et il le présente de manière remarquablement claire :
Jean-Pierre Lafont a écrit :
Emmanuel, ce que vous faite est louable. Je dirais même remarquable. C'est très bien de chercher le réalisme, l'authenticité de la scène sonore... Mais vous êtes au stade du laboratoire. Vous voulez faire avancer les techniques de reproduction sonore. Dans ce contexte, je conçois fort bien que dans cette quête de vérité, acoustique musicale et l'acoustique cinéma puissent faire bon ménage.
Mais mon métier est beaucoup moins noble (ou plus trivial si vous voulez). Dans la conception d'une salle de cinéma petite ou grande, la seule chose que je dois chercher, c'est obtenir un son aussi proche que possible de celui du studio où le film a été mixé. Pas le son de la nature.
Je vais être un peu provoquant pour bien me faire comprendre. Si le film a été mixé dans un studio pourri, l'objectif n'est pas d'obtenir un son meilleur mais un son aussi pourri que l'original. Décevant n'est-ce pas ? Pourquoi ? Parce qu'au cinéma on ne cherche pas à reproduire la réalité.
Vous citez le chant d'un oiseau. Bien sûr, je suis d'accord avec vous, j'aimerais fermer les yeux et être incapable de dire s'il s'agit d'un son enregistré ou si l'oiseau est réellement présent.
Mais ce n'est pas le but. Au cinéma, la plupart des bruits sont refaits en studio. Pourquoi ? Parce que les vrais sont trop réalistes. Le sifflement des balles, le choc des coups de poing (merci les escalopes), le galops des chevaux (noix de coco), les pas dans la neige (semoule écrasée), les portières de voitures (portes de frigo), le crissement des pneus, l'éternelle chouette présente à tous les clairs de lune.... ça vous semble naturel ?
Pas plus que l'église d'Auvers vue par Van Gogh. Je vais souvent à Auvers sur Oise. J'aime cette toile. Il est quasiment impossible de retrouver l'endroit où le peintre s'est installé, tellement la perspective est fausse et les lignes décalées. Mais je n'y cherche pas une ressemblance avec la réalité.
Par contre, ce serait un crime que d'éclairer la toile avec une lumière rouge ou bleue. Elle doit être vue comme le peintre l'a voulu.
Les studios de cinéma sont loin, très loin, d'offrir la qualité d'un bon studio de musique acoustique. Par contre, grâce aux normes, ils se ressemblent davantage entre eux que les studios de musique pour lesquels l'éventail des personnalités est large.
Quelle importance? Le réalisateur qui dirige le mixage impose sa vision de l'oeuvre. Il est le créateur, c'est lui le peintre. Il peut déformer les sons jusqu'à l'extravagance si ça lui plait. L'oiseau ne chante plus. Il miaule comme un chat enroué. C'est voulu. On aime ou on n'aime pas, mais il n'y a pas lieu de chercher à améliorer le chant de l'oiseau.
J'ai assisté au mixage de Michel Vaillant (une vraie daube, nous sommes d'accord). ça se passait chez Besson, l'ingénieur était Vincent Arnardi, un ami et un vrai passionné. Il s'est beaucoup investi dans le son du film comme toujours. Vincent a reçu un César pour Taxi2. Coté authenticité, on fait mieux. Que dire de Delicatessen où par exemple, il a usé du joystick pour faire tourner le sifflement d'un couteau boomerang (appelé l'Australien) sur 360° autour de la salle (version 70mm seulement). Et les sons de la cité des enfants perdus... (pour ne parler que des mix de Vincent). Tout n'est qu'artifices et irréalité. C'est le cinéma.
Je le répète, ce qui compte c'est de retrouver chez soi le son que le réalisateur a voulu. Pas mieux, ni plus authentique, ni moins bien.
La reproduction d'une oeuvre musicale, surtout telle que vous la décrivez, est un autre univers et une autre quête. Bien plus honorable à mon avis.