PATERSON
Un film de Jim Jarmusch, USA, 2016. Avec Adam Driver, Golshifteh Faharani et Barry Shabaka Henley.
Il ne se passe rien dans ce film, en tout cas pas au sens de la comédie, ni à celui du film d’aventure, du mélodrame ou du film sentimentale. On y trouvera aucun gag même si l’humour n’est pas absent, aucune scène de violence, aucun véritable drame, et surtout aucun suspens. Au contraire, le dernier film de Jim Jarmush est parfaitement prévisible, répétitif, invariablement rythmé.
Le héro est un chauffeur de bus trentenaire à la vie bien réglée. Le matin il se réveille auprès de sa compagne, Laura, qu’il aime et qui l’aime en retour. Il prend son breakfast composé de céréales soufflées et de lait. Il se rend au dépôt puis la journée s’écoule au volant de son bus, dans les rues d’une ville déclinante de la banlieue de New-York. En fin de l’après midi, il rejoint son domicile, un petit havre de paix douillet, relève au passage le courrier et la boite à lettre qui penche comme la tour de Pise. Il retrouve Laura qui cherche sa voie tout en passant son temps à peindre de curieux motifs sur des tissus. Ils prennent leur repas, bavardent jusqu’à l’heure de la promenade canine, occasion d’une halte au Bar de Doc, duquel il rentrera avec ce léger goût de bière à la bouche qui plait tant à sa compagne. Et ainsi de suite…
Jarmush a-t-il voulu filmer les habitudes d’un couple de prolétaire américain ? Non ! Cette vie métronomique est en fait le cadre d’une intense activité créatrice. Durant les interstices de sa journée, notre héros écrit des poèmes en prose, et pour cela aspire comme une éponge l’expérience de son quotidien. L’homme occupe une place prédestinée : il se nomme Paterson, vit et travail à Paterson - New-Jersey - et s’inspire de William Carlos William, poète local de renommée internationale, auteur d’un recueil intitulé… Paterson. Diffuser ses poèmes ne l’intéresse pas, être reconnu comme poète pas davantage. Paterson est passionné par la poésie sans être dévoré par l’ambition littéraire : il n’a rien d’un géni contrarié. Au contraire, il s’accommode de cette vie modeste mais harmonieuse et porte sur le monde un regard à la fois distancié et bienveillant. Dans le fond, il vit son activité poétique comme une forme d’hygiène spirituelle, un peu comme d’autres méditent ou prient.
Jim Jarmush met en scène avec brio et légèreté l’écosystème de ce poète, aidé par d'excellents acteurs. Son film est une réussite qui agit comme une bouffée d’optimisme : jamais je n'étais sorti aussi serein et apaisé d'une salle de cinéma !
