syber a écrit :Brett,
Puisque tu as accès aux publications de l'AES, je crois savoir que s'y trouvent des études qui précisent les seuils de l'audition humaine sur différents paramètres comme la phase et sa distorsion par exemple. Peut-être qu'à l'occasion tu pourrais y jeter un œil afin d'alimenter le débat.
Je profite du message de Syber pour revenir sur la problématique de l'audibilité de la distorsion de phase.
Je ne suis pas un lecteur assidu du JAES mais j'ai pris connaissance, il y a quelque temps, d'un diaporama qui a servi de support à un exposé de Jean Michel Le Cléac'h devant les membres de l'association Melaudia.
http://www.goodsoundclub.com/pdf/phase.pdf
JMLC était électroacousticien amateur, mais scientifique de profession. Initialement, sa pensée en matière électroacoustique fut fortement influencée par les réalisations DIY publiées naguère dans la revue de l'Audiophile. Sa stature intellectuelle fit qu’il devint l’un des « passeurs » éminent de la communauté des « diyeurs », leur permettant, avec quelques autres, de faire le lien entre la recherche et leur loisir. Il proposa deux contributions majeures : une théorie du pavillon (dont je ne sais rien) et une théorie du filtre optimal. Selon lui, un filtre optimal est celui qui permet d’obtenir une réponse en tension unitaire, une réponse en coïncidence unitaire et un retard de groupe constant pour l'ensemble passe bas/passe haut. En d’autres termes, un filtre séparateur optimal doit se comporter, au sein d’une enceinte multivoie, comme un dispositif neutre sur le plan électrique, sur plan de la directivité et sur le plan de la phase. Sur la base de cette théorie, il développa un simulateur de filtres, dont on trouve une déclinaison sur le site de Dominique Petion, et mis au point un filtre quasi optimal qui consiste en une sophistication d’un Butterworth de 3eme ordre.
Le diaporama que je mets en lien reprend certains de ses travaux. Cette conférence arrive à une époque où le développement des processeurs numériques permet, grâce au FIR, d’aboutir plus facilement à l’idéal théorique défini par JMLC, au moins sur le problème de la phase. Son exposé se concentre surtout sur ce problème. Le sous-titre est explicite :
Pourquoi et comment améliorer la réponse impulsionnelle d'un système ?. Il s’agit pour JMLC de démontrer aux audiophiles de l’assistance qu’ils ont intérêt à se préoccuper minutieusement de la phase du signal sortant, particulièrement au niveau des filtres, et de présenter les techniques modernes qui permettent d’y parvenir. On trouve dans ce document des arguments en faveur de l'audibilité de la distorsion de phase qui s’appuient sur des travaux de recherche anglophones (pp. 49-56). Une bibliographie sur le sujet est notamment fournie. A partir de celle-ci, les plus motivés pourront s’ils le souhaitent approfondir cette question. Personnellement, je me contenterai, bien plus modestement, de commenter les conclusions que tirent JLMC de ces travaux.
Personne ne sera surpris, pour JMLC la distorsion de phase s’entend. Cependant, on peut lui reprocher – du moins dans la rédaction du support de cette conférence qui en constitue aujourd’hui la seule trace publique – d’aller un peu vite en besogne. Les critères d’audibilité de la distorsion de phase établis par Blauert et Laws dont j’ai parlé plus haut dans un autre message, me paraissent être rejetés un peu rapidement, et sur la base d’un argument qui mériterait d’être explicité (sans doute l’aura-t-il fait à l’oral). Les conclusions de cette recherche pionnière semblent toujours faire référence sur le plan académique, notamment parce qu’elle a été corroborée par d’autres études. JMLC fonde surtout son opinion sur les résultats d’une étude récente basée sur une comparaison ABX réalisée par Andrew Hon en 2002. Cette étude reprend le protocole mis au point par Clark en 1982. Les conclusions auxquelles aboutissent les deux auteurs présentent des différences mais ne sont pas totalement opposées, contrairement à ce qu'écrit l’auteur du diaporama. Clark n’entraidait rien et considérait que la compensation des retards entre voies n’apportait rien (à l’instar de FB et GC). Hon quant à lui entend des différences sur certains extraits musicaux et conclut «
Oui, dans de bonnes circonstances, la distorsion de phase est audible à une partie des gens, mais le consensus est qu’au mieux ses effets sont subtiles, spécialement quand on prend en compte d'autres formes de distorsion. » (traduction JLMC). Vous conviendrez qu’il existe conclusions plus opposées et que si les problèmes liés à la distorsion de phase existent, ils arrivent loin derrière d’autres paramètres plus importants, dont évidemment l’acoustique du local d’écoute.
Contrairement à ce que soutien JMLC, l’audibilité de la distorsion de phase n’est donc pas attestée et la réponse à cette question est, au mieux, ambiguë. On peut raisonnablement penser que son importance est mineure tant que celle-ci ne dépasse pas certains seuils de tolérance. Un technicien ne peut se fonder sur une certitude scientifique pour expliquer l’intérêt de doter une enceinte d’une impulsion parfaite. Pour justifier son choix, il ne peut se placer que dans la situation de Blaise Pascal vis à vis de la croyance en Dieu, autrement dit dans la position d’un parieur dont le raisonnement serait le suivant : « Si l’optimisation de la réponse impulsionnelle d’une enceinte n’apporte pas d’amélioration audible, elle ne retranche rien. Ne sachant pas si la distorsion de phase est audible, il vaut mieux chercher à optimiser car si cela s’entend le résultat final sera meilleur ».