Enrico Pieranunzi Solo le 7 juillet au Théâtre du Châtelet

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syber
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Enrico Pieranunzi Solo le 7 juillet au Théâtre du Châtelet

Message par syber »

J'étais hier soir à ce concert. Enrico Pieranunzi est un pianiste de Jazz qui a reçu une formation à la musique classique. Il va bientôt sortir un disque d'improvisations basées sur des sonates de Scarlatti, contemporain de Bach et de Haendel.






Il m'intéressait d'aller à ce concert !


J'avais eu un échange il y a quelques temps sur un autre forum où, explorant la part du conservateur qui est en moi, je développais l'idée que "nous" sommes tous orphelins de Bill Evans et de son lyrisme classique, tout en retenue. Ce à quoi, mon correspondant du moment m'avais répondu en substance : "... mais quoi, mais comment, mais voyons donc ... et Pieranunzi ! ". Comme je suis prêt à toutes les bassesses pour avoir raison au final, j'avais rétorqué que "... allons donc voyons, celà n'a rien à voir ...", alors que je ne l'avais jamais entendu ! Un peu d'aplomb est bien utile, car quelques posts plus loin il reconnaissait que les deux pianistes étaient très différents dans le fond et la forme !

J'avais eu raison ! 8)

Mais l'esbrouffe ne dure qu'un temps, il faut savoir se confronter à la réalité.

Le foyer du Théatre du Chatelet est une petite salle d'une grosse dizaine de mètres de largeur pour peut-être une quarantaine de mètres de longueur. Joliement décorée, moulures, plafond à caisson, quelques affiches bien mises en valeur. Grandes portes-fenêtre donnant sur la place du Chatelet. Vous l'avez compris, il ne s'agit pas particulièrement d'une salle de spectacle, mais plutôt d'un lieu polyvalent, destiné ce soir-là à recevoir le Pianiste. Une (toute) petite centaine de spectateurs, visiblement avertis de ce qu'ils allaient voir et entendre. Et j'ai bien aimé cette ambiance, cet éclairage "a giorno". Et j'ai bien aimé cette proximité avec le musicien. J'étais à moins de 5 mètres de lui. Celà se prêtait parfaitement avec l'esprit de la musique interprétée hier soir : on se serait bien cru dans un salon de musique à écouter entre gens de bonne compagnie, de la musique baroque.

Rapide présentation du musicien par quelqu'un qui ne prend pas la peine de se présenter lui-même. J'imagine qu'il s'agit de l'organisateur du concert. Le musicien entre dans la salle. Brève inclinaison du buste vers l'auditoire pour le saluer. Il s'assied. Pas de partition. Il attaque immédiatement. Exposition du thème. Jeu classique. Respect de la structure. Puis petit à petit dans une volubilité ininterrompue, la structure de la sonate se distord, s'étire en longeur, le temps semblent s'arrêter puis s'accélérer, les raccourcis et les ellipses s'enchainent, des couleurs jazz apparaissent, les sentiments et les émotions surgissent. Je suis à 5 mètres de Pieranunzi comme je l'ai dit, aux premières loges pour lire sur son visage les émotions et les interrogations qui traversent son esprit en construisant sa musique sous nos yeux. Puis le flot de notes se ralentit. Pieranunzi lève un sourcil marquant je ne sais exactement quelle émotion à cet instant précis ! Retour à la réalité ? Estime t-il avoir dit ce qu'il voulait dire ? Toujours est-il que je le vois décider d'arrêter son improvisation à cet instant et pas un autre et il laisse mourrir et résonner dans la pièce la dernière note grave jouée sur le piano. Il se lève, salut et reçoit une salve d'applaudissements bien mérités.

C'est très réussi. Je lui sourit, radieux, il me regarde et il répond à mon sourire par un autre. Enfin je n'en serait jamais totalement sûr, car une très jolie femme est assise devant moi et je me demande en fait si il ne la regardait pas ! :lol:

Les morceaux s'enchainent dans l'esprit du premier.

Puis vient un entracte et le Monsieur du début et dont je ne suis pas sûr de la fonction revient sur scène pour une interview de quelques minutes in English. Bon, autant tout vous dire, celà m'a à la fois donné l'impression d'être à un show-case et en même temps j'étais ravi d'entendre un artiste parler de son travail. Et là, Pieranunzi se révèle comme un Italien pure souche. Il n'est pas introverti comme je l'avais cru à son arrivée sur scène, mais volubile et expressif. Je vous la fait courte. Pieranunzi explique en substance que Scarlatti was at the wrong place at his time puisqu'il vivait à Madrid, qui était loin d'être un centre culturel musical. Celà a sans doute influé négativement sur sa notoriété et sa postérité. Il a ensuite parlé de l'importance à ses yeux de l'improvisation, technique qu'il utilisait lorsqu'il donnait des cours, pour permettre à ses étudiants de comprendre au mieux la structure d'une oeuvre. Il explique ensuite - j'espère ne pas trahir ses propos - que l'improvisation était très fréquente à l'époque du baroque et que les versions écrites que nous possédons de cette musique ne sont qu'une version justement, puis fait un parallèle entre l'improvisation et l'action painting de Pollock. Il insiste bien sur le fait que pour lui l'improvisation EST une composition et cite Wayne Shorter comme un des plus grand compositeurs actuels.

Puis le concert reprend. Il aura duré un heure en totalité. Celà peut paraître court pour un concert, mais franchement compte tenu du niveau de concentration nécessaire pour apprécier ce style de musique un peu ardu, il aurait été difficile de le prolonger.

Au final, bien content de ma soirée. J'ai découvert un artiste. Je pourrais dorénavant défendre avec encore plus de conviction qu'il est bien différent de Bill Evans :D , par son travail sur la structure des oeuvres et par son expressivité.

Bisquiquine

Message par Bisquiquine »

...en parlant de jazz, j'ai vu Rhoda Scott en concert au Sunset (Paris), dimanche 12/10 avec sa formation actuelle, le lady quartet: pour qui aime l'orgue Hammond, Rhoda Scott est un must du genre, un jeu époustouflant d'énergie, de générosité, de profondeur, de gravité flirtant tantôt avec le blues, le gospel, les standards chanson française, du groove à tous les étages, de l'émotion garantie. Les autres musiciennes, à la batterie la jeune et très douée Julie Saury, plus deux autres saxophonistes (Lisa cat Berro, alto & Sophie Alour, ténor) dont l'anatomie ne laisse pas indifférent... :wink:
Bref, du jazz de haute volée, un moment de pur plaisir pour les tympans. Si cette formation passait du coté de chez vous, que vous aimez le jazz (et les jolies filles), courez voir ce quarter d'enfer! Rhoda est d'une gentillesse et d'une accessibilité avérée, j'ai discuté avec elle pendant 20 mn, on a bien rigolé, son français teinté d'américain est délicieusement drôle et communicatif :wink: :mrgreen: God bless you Rhoda... :amour:

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