Suite au sujet lancé par Oso sur HCFR sur la prise de son selon B. Neveu, plusieurs interventions ont été écrites sur les limites (ou plutôt l’impossibilité et/ou l’absence d’intérêt) de la comparaison enregistrement-live. Il y a notamment un post récent qui renvoie vers un texte de Sean Olive sur son blog.
http://seanolive.blogspot.fr/2010/07/wh ... ening.html
Le titre est : « Pourquoi la comparaison musique enregistrée-live ne fonctionne pas ». Je vais tenter de résumer ce qui est écrit.
A une époque, plusieurs marques ont fait des démonstrations live reproduction.
Tout d’abord, il y a l’exemple bien connu d’Edison. Lors de comparaisons entre une voie chantée et son phonographe, les gens n’auraient apparemment pas pu faire la différence.
Déjà, Edison choisissait le type de son à reproduire : pas d’instruments, pas de musique comportant une dynamique élevée ou une bande passante large. Apparemment, il n’y a eu que des voix et en plus les chanteurs étaient coachés pour ressembler le plus possible au son du phonographe (sur ce point, je ne vois pas comment c’est possible. On ne va pas demander à un chanteur de reproduire certaines distorsions spécifiques ou de modifier la directivité de sa voix).
Ensuite, les évènements remontent à loin. Est-ce que tout le monde s’est laisser avoir ? Ou s’agissait-il seulement d’une rumeur colportée par Edison et quelques personnes intéressées ?
Un autre exemple est celui d’Acoustic Research à partir des années 50. Là, la problématique, c’est que l’enregistrement était réalisé dans une chambre sourde et la restitution faite en extérieur (champ libre).
Nota : d’après un intervenant, ce n’était pas le cas (ou pas tout le temps) pour la partie restitution. Du coup on s’affranchit de tout un tas de problèmes liés à la directivité des instruments et des enceintes. Cela dit, réussir le test même s’il n’y avait que le champ direct de pris en compte ne me semble pas totalement dénué d’intérêt. Si une enceinte (et un enregistrement) peut être parfaite sur ce point-là, ce sera déjà un bon point de départ.
Je résume rapidement la suite de l’article qui met en avant plusieurs sortes de biais liés aux comparaisons.
1. Tout d’abord la vue. Par exemple, si on voit un chanteur arrêter de bouger les lèvres, on en déduira automatiquement qu’il arrête de chanter et que c’est l’enceinte qui fonctionne, même si la reproduction s’avérait être parfaitement fidèle.
Et il y a l'effet l’inverse, si le chanteur fait semblant de chanter, on peut penser que le son vient de lui, même si c’est l’enceinte qui fonctionne et que le son est différent (non fidèle). La vue des musiciens en train de faire semblant de jouer augmente l’effet de réalisme. Cet effet a été mis en évidence lors d’études faites sur d’autres sujets.
Personnellement, je ne vois là rien d’insurmontable, il faut juste s’arranger pour ne rien voir, ce qui est plutôt facile à faire (rideau transonore).
2. Il y a le fait d’être convaincu à l’avance (ou de se faire convaincre par quelqu'un disposant d'une autorité quelconque) que la restitution va être identique. Du coup, même s’il y a des différences, on ne va pas les entendre. Edison aurait dit : « Les gens entendront ce que vous leur dites d'entendre. »
Je trouve cet argument moyennement convaincant. Déjà, on peut envisager l’inverse, à savoir que quelqu’un voudra impérativement entendre des différences. Ce cas doit être aussi courant que le fait d’être convaincu que l’on ne va rien entendre. Après tout, on a tous envie de piéger ce genre de comparatif, ne serait-ce que pour montrer que l’on a une bonne oreille.
Ensuite, si cet argument est considéré comme valide, c’est la totalité des écoutes comparatives (test ABX compris) qui sont remises en question. Ça voudrait dire que le résultat obtenu ne dépend que de la croyance de celui qui écoute, si cette personne ne veut pas entendre de différence, elle n’en entendra pas.
Je ne vois pas comment on peut approuver les résultats des ABX d’amplis ou même d’enceintes correctement réalisés (comme le système d’Harman pour faire tourner les enceintes) et dans le même temps dénigrer un comparatif enceintes/reproduction qui pourrait être fait de la même façon.
Pour conclure, je dirais que cet article est intéressant dans la mesure où il met en avant un certain nombre de biais (ou de pièges) qui peuvent invalider, ou au moins relativiser, le résultat d’un comparatif enregistrement/live. Et il y a encore d’autres biais, on pourrait citer le comparatif fait par Devialet avec les enceintes Magico où seul un instrument sur deux est remplacé (comme par hasard celui qui sera « masqué » le plus facilement par l’autre).
Mais je ne vois pas, personnellement, en quoi est-ce que ça remet en cause la possibilité de faire ce test. Encore une fois, on peut faire le parallèle avec les ABX d’électroniques : il y a les biais bien connus du niveau d’écoute différent ou du fait de savoir quel appareil fonctionne. Mais ce n’est pas parce que ces comparatifs sont majoritairement mal faits que l’on ne peut pas en faire du tout.
Et surtout, je trouve plus intéressant de faire un comparatif musique/matériel qu’entre deux matériels, sauf si c’est pour prouver qu’ils sont identiques.
Le principal frein que je vois, c'est la lourdeur de la mise en œuvre. L’écoute en aveugle ne pose pas trop de problèmes techniques, par contre, pour valider scientifiquement le résultat, il faudra disposer d’un panel d’auditeurs qui soit représentatif (âge, sexe, etc…) et neutres (qui n’aient aucun intérêt personnel quelconque). Il faut aussi des musiciens à disposition pendant la durée des tests. Enfin bon, tout ce qui est requis pour un test ABX dans d'autres domaines.
L’autre problème, c’est que si le résultat n’est pas concluant, on aura du mal à savoir avec certitude d’où vient le problème puisque l’on a trois variables interdépendantes : l’acoustique, les enceintes et la prise de son.
Il y a là une question qui peut être intéressante :
Jusqu’à quel point le résultat obtenu est-il dépendant du « couplage » prise de son / enceintes / acoustique ?
Pour le dire autrement, est-il possible qu’il y ait une compensation mutuelle de défauts présents dans l’un ou l’autre des maillons ?
Peut-on obtenir le même résultat en faisant changer ne serait-ce qu’un seul des paramètres ? Je pense bien entendu à l’acoustique. Pour les enceintes et la prise de son, on peut s’assurer de rester sur quelque chose d’identique mais pour l’acoustique c’est difficilement envisageable.
Peut-on s’assurer d’avoir une acoustique identique (ou tout du moins un couplage enceintes local) dans une pièce différente, même si elle est traitée ? La problématique est de toute façon bien connue, et en l’absence de normes sur les enceintes et la pièce (comme pour le cinéma), je ne vois pas comment on peut s’en sortir. Mais c’est un autre problème.