L'enregistrement en haute fidélité, par Bernard Neveu

Des passionnés qui discutent... La discussion est souvent animée sur les sujets à débat, alors ce forum est là pour ça !
brett952
Intarissable
Intarissable
Messages : 5632
Enregistré le : ven. 20 oct. 2006 14:55
Localisation : Le futur

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par brett952 »

Et concernant Igor Kirkwood? Lui aussi est-il considéré comme un E.T. ?

Philippe MULLER
Intarissable
Intarissable
Messages : 4760
Enregistré le : sam. 08 nov. 2014 10:20
Localisation : PASSAVANT
Contact :

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par Philippe MULLER »

Aucun rapport avec nous.
Le nombre de micros ne fait pas l'esprit d'une technique de prise de son. Beaucoup enregistrent avec deux micros mais ne rentrent pas dans le descriptif de Bernard Neveu.

Ubu
Volubile
Volubile
Messages : 543
Enregistré le : lun. 14 déc. 2015 21:12

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par Ubu »

Philippe MULLER a écrit :Je ne tergiverse quasiment jamais avec ces règles, à quelques rares exceptions près mais très assumées, comme l'enregistrement de variété (c'est très rare à Passavant) qui requiert une autre approche.
Philippe MULLER a écrit :Cela dit, de l'orgue sans son église, c'est inécoutable ; idem pour un grand orchestre.
Philippe MULLER a écrit :Les travaux récents menés à la salle Pleyel, transformée pour la variété alors qu'elle était conçue pour le classique, nous en dit long sur la différence d'esprit entre deux univers difficilement compatibles pour l'instant.

Pour le classique, la pièce sera plutôt diffusante tandis qu'elle sera absorbante pour la variété et le rock. Une pièce claire ne convient pas du tout au rock tandis qu'une pièce sèche est mauvaise en classique.
Ces différences entre le rock et le classique sont-elles uniquement « culturelles » (liées à certaines habitudes d’écoute notamment) ou est ce qu’il y a des différences qui relèvent plus d’un caractère technique (ou objectif) ?

Pour éclaircir ma question, lorsque vous enregistrez de la musique classique il peut y avoir une variété d’instruments, de registres etc… qui chacun doivent nécessiter une approche particulière. Néanmoins, votre méthode de base reste la même (deux micros omnis suffisamment écartés) et sauf cas particulier (l’orgue dans l’église) votre studio d’enregistrement peu convenir pour toute une variété de musique naturelle, pour reprendre votre expression.

En admettant que vous vouliez enregistrer de la musique dite de variété et que cette dernière ne soit composée que de sons non amplifiés, est-ce que les différences seront du même ordre que celles qu’il y a entre différentes musiques classiques ou y a-t-il une incompatibilité plus fondamentale ?

Philippe MULLER
Intarissable
Intarissable
Messages : 4760
Enregistré le : sam. 08 nov. 2014 10:20
Localisation : PASSAVANT
Contact :

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par Philippe MULLER »

Les différences sont nombreuses mais on peut déjà les résumer au mode de diffusion, naturel en classique; enceintes en variété, et à l'emploi assez généralisé d'une section rythmique basée sur la batterie. Une batterie dans une église, ça ne va pas du tout, pas plus ni moins qu'un piano d'ailleurs. Les percussions en général ne s'accommodent pas très bien des réverbérations longues. En variétés, les réverbérations sont artificielles et conçues pour cela.

Philippe MULLER
Intarissable
Intarissable
Messages : 4760
Enregistré le : sam. 08 nov. 2014 10:20
Localisation : PASSAVANT
Contact :

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par Philippe MULLER »

Le fait que les concerts de musiques dites actuelles sont toujours diffusés par l'intermédiaire d'une sonorisation est une chose qui facilite la vie des amateurs de ces musiques. En effet, n'importe quelle installation domestique un tant soit peu sérieuse fera toujours mieux que les systèmes utilisés en Live.

De nos jours, la problématique de l'amateur de rock ne devrait plus résider dans son matériel mais dans l'acoustique de sa salle d'écoute.

Le mélomane rencontre des problèmes plus délicats, notamment le fait qu'un front d'onde naturel se compose d'une infinité de canaux (des milliards) que l'on ramène à deux en stéréo, comme dans deux entonnoirs. Le rock est construit dès le départ sur une base stéréo, sauf cas spéciaux.

udayan
Volubile
Volubile
Messages : 564
Enregistré le : jeu. 14 sept. 2006 14:25
Localisation : Loir & Cher

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par udayan »

Bonsoir,

La méthode Sheffield Labs pour les enregistrements d'Harry James décrite sur le lien ci-dessous avec un seul micro stéréo...

http://www.tnt-audio.com/topics/james_e.html



Udayan

Philippe MULLER
Intarissable
Intarissable
Messages : 4760
Enregistré le : sam. 08 nov. 2014 10:20
Localisation : PASSAVANT
Contact :

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par Philippe MULLER »

Pas Cabasse compatible du tout. Il s'agit d'un système MS composé au-moins d'un bidirectionnel et d'une seconde capsule, genre de microphone qui pose inévitablement des problèmes dans le grave. Je possède son équivalent Schoeps, très joli dans sa boîte.

Si vous vous êtes déjà retrouvé devant un vrai big band, vous aurez remarqué que l'ampleur n'a rien de comparable avec ce que propose ce disque.

Ce genre de prise de son se base sur un point fictif positionné on ne sait pas très bien où dans l'espace. Chez Cabasse, on considère la prise de son comme l'inverse de la reproduction; on n'oublie jamais que les enceintes sont au nombre de deux et fortement espacées. Quand on utilise les micros qui vont bien, on obtient les résultats décrits par OSO et surtout: ce système, employé par Cabasse au Festival du Son, permettait de comparer les musiciens et leur reproduction sur les enceintes en temps réel.

Que demander de plus quand l'objectif est la fidélité ?

oso
Intarissable
Intarissable
Messages : 2500
Enregistré le : lun. 16 avr. 2012 15:04

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par oso »

Philippe MULLER a écrit :Pas Cabasse compatible du tout. Il s'agit d'un système MS composé au-moins d'un bidirectionnel et d'une seconde capsule, genre de microphone qui pose inévitablement des problèmes dans le grave. Je possède son équivalent Schoeps, très joli dans sa boîte.

Si vous vous êtes déjà retrouvé devant un vrai big band, vous aurez remarqué que l'ampleur n'a rien de comparable avec ce que propose ce disque.

Ce genre de prise de son se base sur un point fictif positionné on ne sait pas très bien où dans l'espace. Chez Cabasse, on considère la prise de son comme l'inverse de la reproduction; on n'oublie jamais que les enceintes sont au nombre de deux et fortement espacées. Quand on utilise les micros qui vont bien, on obtient les résultats décrits par OSO et surtout: ce système, employé par Cabasse au Festival du Son, permettait de comparer les musiciens et leur reproduction sur les enceintes en temps réel.

Que demander de plus quand l'objectif est la fidélité ?
Si l'on se penche , même naïvement, sur les problèmes posés par prise de son, force est de constater que la technique des 2 micros omni en relation avec 2 enceintes positionnées de manière homothétique est la plus intuitive pour espérer un résultat convainquant du point de vue de la fidélité. L'anecdote de B. Neveu avec les enfants est parlante à ce sujet!

Si l'on imagine une paire rapprochée, un arbre Decca, une tete artificielle, ou un système multimicros, on a du mal à imaginer autre chose qu'une forte distorsion géométrique lorsqu'on rapporte le signal à 2 enceintes éloignées de plusieurs mètres!

oso
Intarissable
Intarissable
Messages : 2500
Enregistré le : lun. 16 avr. 2012 15:04

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par oso »

man a écrit :
Jonathans a écrit :man ça va ? :violon:
Oui ça va , cela m'énerve un peux ce monde qui se fiche de la reproduction sonore de qualité...

Et effectivement Apple a racheté Beat pour lancer le service de streaming Apple music, avec la nouvelle offre étudiant, je me demande comment les artistes vont vivre ...

Allez j'arrête de polluer le post, désoler pour ce hors-sujet ...

Quand on pense qu'un marché de niche s'est ouvert sur le vinyle (avec des pressages tous plus pourris les uns que les autres, une distorsion abominable en fin de disque, etc...), on peut espérer que l'enregistrement de haute fidélité a encore sa place! A nous aussi d’être exigents. J'ai certains CD achetés recemments qui sonnent n'importe comment, avec de la reverb articifielle, des solistes invraissemblables, etc...: un petit mail à la maison de disque ou au soliste pour expliquer que je ne suis pas content, c'est peut être un début :idea:

Avatar du membre
Jonathans
Intarissable
Intarissable
Messages : 1805
Enregistré le : dim. 03 août 2014 13:28
Localisation : Grenoble

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par Jonathans »

oso a écrit :
Quand on pense qu'un marché de niche s'est ouvert sur le vinyle (avec des pressages tous plus pourris les uns que les autres, une distorsion abominable en fin de disque, etc ...
Alors là je suis pas d'accord, les pressages ne sont pas tous pourris, quand tu a du matériel HDG ça marche très très bien, c'est sur qu'avec une cellule à 40€ on ne fait pas de miracles, avant d'affirmer de telles choses ... il faut Écouter ...

Philippe MULLER
Intarissable
Intarissable
Messages : 4760
Enregistré le : sam. 08 nov. 2014 10:20
Localisation : PASSAVANT
Contact :

le vinyle et ses problèmes

Message par Philippe MULLER »

En dehors du pressage, qui peut être plus ou moins bon, il y a plusieurs problèmes qui sont liés au principe même du disque microsillon.
oso soulignait la distorsion en fin de face et il a raison. C'est incontournable car, la vitesse de rotation étant constante, plus on s'approche de la fin, plus il y a d'informations concentrées sur un même espace linéaire. Il faut également évoquer l'erreur de lecture quasiment constante avec un bras traditionnel, le Master étant gravé avec un bras tangentiel.

Il suffirait de graver une trentaine de fois la même séquence de 30 secondes sur une seule face du disque pour s'apercevoir à la lecture que ça ne sonne jamais deux fois de la même façon. C'est forcément rédhibitoire pour un mélomane; c'est pour cela que la production de vinyles concerne assez peu la musique classique, sauf démarche marketing particulière.

Un autre problème concerne la stéréophonie elle-même, comme le souligne Bernard Neveu dans le texte qui ouvre ce sujet; c'est ce qui a donné naissance à la funeste stéréo compatible. Pour reproduire la stéréo totale, avec déplacements latéraux et surtout verticaux de forte amplitude, il faudrait une profondeur de gravure que les cires actuelles ne permettent plus d'atteindre, sans oublier de préciser que peu de cellules arriveraient à tenir dans le sillon. Nous avons rencontré le problème avec un enregistrement récent de la musique de Steve Reich (WTC 9/11 et Different Trains), que j'ai réalisé pour le label Megadisc Classics. Le producteur voulait réaliser un double vinyle de très haute-qualité. Malheureusement, aucun graveur n'y est parvenu sans modifier gravement l'image stéréo, ce à quoi je tente de m'opposer. Le producteur, qui a eu les cires d'essais, lui-même passionné de vinyle, a reconnu que c'était nettement moins bon que le CD.

Les musiques rock et variétés sont moins concernées puisqu'il n'y a pas de vraie stéréo en général, sans oublier une compression de dynamique assez systématique.

oso
Intarissable
Intarissable
Messages : 2500
Enregistré le : lun. 16 avr. 2012 15:04

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par oso »

Jonathans a écrit :
oso a écrit :
Quand on pense qu'un marché de niche s'est ouvert sur le vinyle (avec des pressages tous plus pourris les uns que les autres, une distorsion abominable en fin de disque, etc ...
Alors là je suis pas d'accord, les pressages ne sont pas tous pourris, quand tu a du matériel HDG ça marche très très bien, c'est sur qu'avec une cellule à 40€ on ne fait pas de miracles, avant d'affirmer de telles choses ... il faut Écouter ...

Je ne suis peut être pas équipé de ce qui se fait de mieux, c'est vrai (Dual CS5000, ortofon OM40 et aussi une Ortofon MC1), mais c'est déjà pas mal (réglée aux petits oignons: j'aime bien aller au bout des choses 8) ) pour que le LP soit lu de façon "conforme", sans problème technique particulier. (Alain Lompech, critique "classique" au Monde, qui l'a possédée aussi, l'avait comparée à une Linn LP12 et la trouvait très proche: cf Haskil sur HCFR)

Et bien pour le classique, ces forté bien distordus près de l'étiquette, cette scène stéréo qui se rétrécit et se brouille vers la fin, ça me dérange. Pour les pressages, j'ai testé certaines "reedition audiophiles" en jazz avec des disques aussi lourds qu'une plaquette de beurre (Ascenseur pour l'échafaud, Rickie lee Jones, etc...): le bruit de fond est très élevé, bien plus bruyant que de vieux Emi (recupérés dans un vieux fond bibliothèque de collège), et j'ai observé des distorsions très bizarres sur la trompette de Miles: ça a fait l'objet d'un fil sur VinyleEngine et je crois que tous les poilus du 33 tours l'ont finalement constaté également sans pouvoir l'expliquer et malgré un armement conséquent (il y a eu des analyses réalisées sur ces signaux bizarres, des crépitements dans l'aigu).

Les fins de face de Rickie Lee Jones, qui touchent presque l'étiquette (33 neuf): Mon Dieu! :brick: *

A de rares exceptions près, les CD sont meilleurs à tous points de vue (Crespin/Berlioz/Decca: le CD est bien plus "souple" par exemple). Sur certains 33, le mixage est cependant plus agréable que les CD (Pink Floyd, 33 original vs édition CD de 1986, trop dur).

Lorsque tout est optimal (fins de pistes loin des bords de l'étiquette, pressage OK), c'est satisfaisant, au bruit de font et à la compression dynamique près.

Pour une fois, les défauts sont parfaitement mesurables, et on en connait clairement la cause, comme Philippe l'a détaillé.

Je donnerais gratuitement ma platine et tous mes LP contre l'avènement d'une généralisation d'enregistrements "de musique classique" à la Cabasse :wink:


*Vous me direz, "si t'es pas content, pourquoi as tu conservé tout ce bazar??" 1) parce que c'etait à mes parents, c'est un souvenir que j'ai pris beaucoup de plaisir à restaurer dans les règles de l'art; 2) c'est joli et j'ai montré à mes enfants comment c'etait avant, du temps historique de l'analogique; 3) un grand disque, ça fait des pochettes très belles. Un vrai regret face à l'aberration (pratique, esthétique, écologique) des boitiers de CD en plastique :-D
Modifié en dernier par oso le lun. 05 déc. 2016 15:22, modifié 1 fois.

syber
Intarissable
Intarissable
Messages : 10269
Enregistré le : jeu. 14 sept. 2006 18:46
Localisation : Hauts de Seine

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par syber »

Sans compter que l'on idéalise a posteriori les prises de son des 33T Decca. Toutes ne furent pas irréprochables, loi s'en faut. Sans compter les variations de qualité de pressage.

Pour l'anecdote, la dernière fois que j'ai écouté un 33T, c'était lors d'une démo des Grandes Utopia de chez Focal. Le démonstrateur passait des CD, de la musique dématérialisée, tout se passait bien. Puis il est passé sur une platine disque et a passé un air d'opéra. J'étais effaré tellement c'était mauvais. Le contraste était brutal avec le CD. Le 33T était détimbré avec une scène sonore riquiqui. Je jetais alors un œil discret autour de moi pour voir les réactions des autres auditeurs. A voir leurs mines, je n'étais pas le seul à avoir cet avis. L'expérience s'est renouvelée plusieurs fois ; je pense à Barbara - un lieu commun audiophile des salons - sur des Elipson.

La leçon a retenir est a minima que la lecture des 33T, indépendamment des performances du support, requiert des compétences spécifiques en matière de réglage du bras et de la cellule que peu d'amateurs maitrisent correctement de nos jours. En ont-ils seulement conscience ?

oso
Intarissable
Intarissable
Messages : 2500
Enregistré le : lun. 16 avr. 2012 15:04

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par oso »

Ils n'ont peur de rien chez Focal :?

C'est vrai que je n'évoquais même pas le cas des platines déréglées, diamants usés, pas propres (perso, je vérifie les miens avec les microscopes du labo, chut!) etc.... L'avantage du vinyle, c'est qu'il doit être moins sensible que le CD à la HF. Sur une "chaine-antenne", ça peut faire pencher la balance du côté noir de la force :lol:

En tout cas, si on lit les plaquettes publicitaires des grandes Cabasse au début des années 80, Georges C. considérait certainement l'avènement du CD comme une délivrance pour dévoiler le potentiel de ses enceintes, non exploité par le disque noir.
Modifié en dernier par oso le lun. 05 déc. 2016 15:26, modifié 1 fois.

syber
Intarissable
Intarissable
Messages : 10269
Enregistré le : jeu. 14 sept. 2006 18:46
Localisation : Hauts de Seine

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par syber »

Je voudrais dans le développement qui suit, vous proposer mon interprétation de ce que je pressens être un phénomène de porosité, d’influence mutuelle entre différents secteurs de l’industrie musicale.

Prenons comme postulat de base qu’au commencement était l’instrument acoustique, que ce soit la viole de gambe, le flutiau ou la voix humaine. Pour la simple et bonne raison que l’électricité n’était pas encore découverte et que Jimmy Hendrix et les instruments amplifiés non plus. Lorsqu’un compositeur désirait augmenter le volume sonore de son interprétation, il augmentait le nombre de musiciens ou bien il demandait à son facteur d’instrument de lui concevoir un instrument acoustique plus volumineux.

Lorsque les premiers enregistrements ont été réalisés, il s’agissait d’enregistrements mono, d’instruments acoustiques. Et lorsque les auditeurs écoutaient ces enregistrements, le référentiel qu’ils avaient en tête était le concert acoustique. Ils jaugeaient ces enregistrements à l’aune de leur référentiel. N’interprétez pas pour autant cette description comme étant celle du paradis perdu du mélomane. En vérité, les premiers enregistrements présentaient des timbres très mauvais (rouleaux) et le matériel pour les diffuser était de très mauvaise qualité (gramophone). Néanmoins, Floyd Toole raconte qu’à cette époque, des écoutes comparatives entre voix réelle et enregistrements diffusés subjuguaient les auditeurs. Comprendre que les auditeurs d’alors étaient tout aussi sensibles à la manipulation et au merveilleux que ceux d’aujourd’hui.

Rapidement, malgré la mono, ces enregistrements ont gagné en qualité et une sensation d’espace sonore a pu être créée. J’ai le souvenir d’enregistrements mono de Louis Armstrong et de son Big Band, où les instrumentistes viennent prendre leur solo en se déplaçant vers le micro d’enregistrement. Comme ils commencent à jouer avant d’arriver face au micro, grâce à une forme d’effet Doppler, on se représente bien le déplacement du musicien d’arrière en avant. Cela donne une impression presque d’exaltation à l’auditeur d’être une petite souris et d’assister à l’évènement sonore tel qu’il s’est produit. Ces prises de son donnent une impression de vie incroyable.

Puis arrivent les enregistrements stéréo ; avec quelques tentatives d’enregistrements de la stéréophonie à trois micros, car stéréophonie veut dire espace sonore et cet espace peut être capté avec plus de deux micros et reproduit par plus de deux enceintes. Différentes techniques de prise de son à deux micros sont développées. Je ne m’aventurerai pas à les décrire car je ne suis pas compétent. Je me contente de rappeler qu’à cette période-là, le référentiel musical de l’amateur continue d’être le concert d’instruments acoustiques.

Et là, le drame survient avec les Beatles ! Les pauvres, ils n’y sont pour rien. Disons que le succès planétaire de ce Boys Band nous servira de marqueur sociétal. George Martin bouleverse le référentiel des amateurs de musique. Le référentiel n’est plus le concert d’instruments acoustiques. Le référentiel communément partagé par le plus grand nombre devient l’enregistrement sur disque d’instruments amplifiés. Brutalement, la petite flûte de «Il est cinq heures, Paris s’éveille » rivalise de niveau sonore avec la batterie et tout le monde trouve cela normal !

Forcément, les ingénieurs du son d’orchestre de musique classique ne doivent pas rester insensibles à ces développements et ces succès. La tentation de faire ressortir, de mettre en avant le soliste (ce qui flattera son ego par la même occasion) ou la petite flûte du 3° mouvement de telle symphonie est alors grande. Ce n’est pas naturel ? Cela ne respecte pas les équilibres sonores du concert ? L’explication est trouvée. Quelle est finalement la vérité du concert ? En fait chaque spectateur se fait au concert sa propre mise en scène auditive. Un peu comme le spectateur d'une pièce de théâtre peut se concentrer sur le personnage muet au lieu de celui qui parle si il en a envie (ce qui est quasi-impossible au cinéma où la mise en scène et le montage encadrent le raisonnement du spectateur). S’il désire se concentrer sur tel ou tel instrument il peut en augmenter mentalement le niveau relatif. Pourquoi alors l'ingénieur du son ne suivrait-il pas la partition et mettrait en avant tel ou tel instrument au moment de son intervention, grâce à une série de micro d’appoints ? L’enregistrement et le mixage qui s’en suivent deviennent « une » réalité de l’évènement capté, de la même manière que deux spectateurs n’auront pas vécu la même réalité d’un même concert. Ca peut se défendre ! Toutefois, même si ces disques sont rares dans ma discothèque, je reconnais que les orchestres captés avec seulement deux micros donnent une expérience d’écoute très agréable et effectivement plus proches de l’expérience du concert en terme d’équilibre général. En dehors de cette méthode, par exemple, les concertos pour violons sont souvent caricaturaux avec un soliste trop présent et des instruments trop définis.

Mais notre référentiel étant dorénavant principalement celui du disque, il est difficile de s’en extraire pour imaginer ou apprécier ce qu’est ou ce que pourrait être une prise de son à deux micros.

L’histoire ne s’arrête pas là ! Il y a quelques années, lors de la construction de la Philharmonie de Paris, on a lu dans la presse des interviews des acousticiens ayant calculé et défini son acoustique. Ils ont alors expliqué que « les gens ont dorénavant l’habitude du son de leur chaine HiFi et veulent retrouver au concert ces sensations ». Gloups ! La boucle est ainsi bouclée. Par itérations successives, le référentiel est passé du concert d’instrument acoustiques à l’enregistrement d’instruments acoustiques avec des techniques empruntées à la musique amplifiée, puis à :

- le concert de musique acoustique doit sonner comme un enregistrement d’instruments acoustiques capté et mixé avec des techniques d’instruments amplifiés.

Pour être allé à la Philharmonie de Paris, je peux témoigner que l’acoustique est agréable, on sent qu’il y a eu un vrai travail sur le sujet, mais effectivement hyper définie. On peut localiser chaque instrument, ce qui est un peu déstabilisant et donne un résultat que l’on a pas à Pleyel, Gaveau ou bien au Théâtre des Champs Elysées. Je serai curieux d’y entendre le Concertgebouw qui est réputé pour ses nappes de violons parfaitement homogènes.

Ce ne sont que les réflexions d’un amateur, pas d’un professionnel de la prise de son. Elles sont sans doute critiquables et amendables.

ambroise09
Volubile
Volubile
Messages : 820
Enregistré le : mar. 18 déc. 2012 09:19

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par ambroise09 »

oso a écrit : L'avantage du vinyle, c'est qu'il doit être moins sensible que le CD à la HF.
Franchement, je ne vois pas de trop de raison à cela, en tout cas pas par principe.
Qu'est-ce qui t'amènes a dire ça?

oso
Intarissable
Intarissable
Messages : 2500
Enregistré le : lun. 16 avr. 2012 15:04

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par oso »

ambroise09 a écrit :
oso a écrit : L'avantage du vinyle, c'est qu'il doit être moins sensible que le CD à la HF.
Franchement, je ne vois pas de trop de raison à cela, en tout cas pas par principe.
Qu'est-ce qui t'amènes a dire ça?

L'horloge des lecteurs CD peut être perturbée par la HF. Pour le LP, il faut plutôt faire attention aux basses fréquences (ronflette et résonances mécaniques).

oso
Intarissable
Intarissable
Messages : 2500
Enregistré le : lun. 16 avr. 2012 15:04

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par oso »

L'analyse de Syber est très pertinentee. J'ai lu quelque part que la "découverte" par le Monde des symphonies de Mahler était la conséquence de l'apparition des microsillons stéréo "qui permettent de mieux entendre qu'au concert". A ce sujet, je pense que c'est surtout la possibilité d'écoutes répétées permise par le disque qui permet de mieux entrer dans le monde et le langage du compositeur: j'ai découvert certaines de ses symphonies lors de concerts dont je suis ressorti plus décoiffé que subjugué... Par contre, les concerts qui me livrent une symphonie que je connais déjà par coeur gr^ce au disque, sont des expériences totales.

Je ne connais pas encore la Philarmonie, malheureusement, mais j'ai découvert très récemment le Grand Auditorium de la Maison de la Radio qui a été mis au point par la même équipe d'architectes-acousticiens. Effectivement, l'acoustique est agréable, avec beaucoup de clarté.

En ce qui concerne "l'hyperfocalisation", elle est toujours en jeu de la part de l'auditeur lors d'un concert, et c'est vrai que les prises de son multimicro vont dans ce sens. Mais il est cependant possible de "focaliser" également à travers une prise de son naturelle, sans que le preneur du son ou le producteur ne nous "force la main". Car je soupçonne l'esthétique choisie par le preneur de son "main stream", en plus d'être figée, de correspondre à une mode qui signera les enregistrement actuels dans 20 ou 30 ans peut être.
C'est à mon avis ce qui s'est produit avec les enregistrements de Karajan qui passaient dans les années 706-80 comme le summum de la perfection et dont l’esthétique sonore est aujourd'hui totalement démodée et c'est vraiment dommage (je parle de la technique, pas de l’interprétation).

Enfin, en dehors du répertoire symphonique, qui présente une incompatibilité intrinsèque avec le salon de l'auditeur et pour lequel des ajustements pourraient se concevoir (mais pas forcemment le multimicro), il reste beaucoup de manifestations musicales qui servent encore de référence pour l’expérience sonore: la musique de chambre. Je trouve très pénible la mode qui consiste à surligner artificiellement les détails tout en noyant les interpretes dans une réverberation artificielle qui dessert le répertoire. Nous discutions d'ECM, ce qui m'a donné envie de réécouter un beau disque de ce label dédié à Ravel (sonates piano/violon). Cruelle déception avec un son coloré et inutilement réverbéré: je me suis demandé dans quel but puisque cela n'aide ni à la "lecture", ni à donner l'impression du réel (à moins de donner le concert dans Zenith avec 100 spectateurs :? ). Là encore, un enregistrement fidèle, naturel, dans l'acoustique qui convient restera indémodable (comme les Cabasse estampillées Live Music d'ailleurs).

Philippe MULLER
Intarissable
Intarissable
Messages : 4760
Enregistré le : sam. 08 nov. 2014 10:20
Localisation : PASSAVANT
Contact :

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par Philippe MULLER »

L'emploi massif de réverbération artificielle permet, entre autres choses, de masquer les déphasages occasionnés par la multimicrophonie. Comme tous les micros présents reprennent tous les instruments à des distances et des niveaux différents, les retards sont inévitables; c'est la bouillie ! Plus il y a de micros proches les uns des autres, plus le phénomène est perceptible et plus la quantité de réverbération doit être importante (cf. Karajan). Comme le dit oso, la réverbération est une faute de goût s'agissant de la musique de chambre puisque cette musique n'est pas faite pour les grands espaces; on perd l'intelligibilité et le côté intimiste indispensables. La musique pour piano seul est souvent trop réverbérée et ça ne va pas avec l'instrument. Pourquoi anéantir ainsi ce qui est si beau ? à part masquer des déphasages, je ne vois pas très bien.

La musique rock enregistrée en studio échappe à ce problème parce que chacun est enregistré dans sa cabine isolée et souvent même, les musiciens ne se rencontrent même pas pendant les séances, tout étant fait à des moments différents. En rock, le plus difficile c'est le Live mais, même ça, profite désormais des techniques du studio: on garde quelques pistes typiques prises en public et on refait tout le reste en studio.
Ne vous fiez jamais aux photos et aux clips réalisés en studio; c'est du marketing qui ne reflète quasiment jamais la réalité de l'enregistrement.

oso
Intarissable
Intarissable
Messages : 2500
Enregistré le : lun. 16 avr. 2012 15:04

Re: L'enregistrement stéréophonique, par Bernard Neveu

Message par oso »

Philippe MULLER a écrit :L'emploi massif de réverbération artificielle permet, entre autres choses, de masquer les déphasages occasionnés par la multimicrophonie. Comme tous les micros présents reprennent tous les instruments à des distances et des niveaux différents, les retards sont inévitables; c'est la bouillie ! Plus il y a de micros proches les uns des autres, plus le phénomène est perceptible et plus la quantité de réverbération doit être importante (cf. Karajan).
Pour la petite histoire, l'enregistrement d'un oeuvre pour orgue et orchestre dirigée par Karajan (à retrouver dans mes archives. Poulenc?) a été faite en deux lieux: orgue enregistré en Angleterre, orchestre à Berlin (de mémoire); Pas de bol: les tempi n'étaient pas les mêmes! Le bras droit technique de Karajan a sauvé le disque...en ralentissant la bande sur laquelle l'orgue était enregistré :brick: J'imagine qu'une bonne dose de réverb a été nécessaire pour faire passer tout ça....

Répondre