Dunkerque (2017) de Christopher Nolan et avec Fionn Whitehead, Mark Rylance et ses acteurs habituels.
Le film débute par un plan de quelques soldats britanniques qui marchent dans une rue de Dunkerque. Et à la première seconde, je dis bien la première seconde, on est instantanément transporté dans les années 40. Pourtant, aucune reconstitution minutieuse, pas de Traction Avant comme c'est devenu un cliché des films de guerre de cette période, pas de panneaux publicitaires d'époque du genre Castrol, Bibendum Michelin ou Byrrh au quinquina. Non, rien de tout cela, rien de toc, de forcé et d’artificiel, simplement une colorimétrie de l'image qui vise juste et nous rappelle les photos et les films de cette époque. Bravo !
Je préfère vous prévenir que le film est partisan du point de vue historique. C'est l'opinion des Britanniques qui est exposé ici et je pense que les acteurs Français et Belges de cette bataille ont sans aucun doute un point de vue différent de celui de Nolan. De même, le rôle des petits bateaux traversant la Manche pour aller sauver les soldats anglais est largement surestimé. Un tour sur Wikipédia nous apprend qu'ils n'auront sauvé que 10% des effectifs en réalité. Mais la dimension patriotique que cet acte représente est tellement cinégénique !
Une fois cette réserve faite, il faut reconnaître les qualités du film. Commençons par une particularité étonnante qui ferait presque passer ce film pour fauché tant les effets spéciaux des films de ces dernières années nous ont habitué à des reconstitutions historiques avec un trop plein de figurants, du matériel militaire en veux-tu en voilà et des explosions à qui mieux-mieux. Sauf qu'à l'écran, lorsque tout devient possible grâce au numérique, plus rien n'étonne car il n’y a plus d’enjeux et on se met à revoir les films de Buster Keaton où lorsque qu'il reçoit une façade de maison sur la tête, on tremble pour lui car on sait que c'est "vrai". Eh bien voilà le parti pris de Nolan dans ce film. Les bâtiments construits sur la plage de Dunkerque datent des années 2000 et il ne cherche même pas à les effacer numériquement. Pourquoi faire finalement ? C'est une vraie question et il nous propose sa réponse. Sera-t-on plus immergé dans l'histoire et impliqué par ce qui arrive aux personnages s’il ne manque pas un bouton de guêtre au front de mer (l’image est hardie) afin qu'il soit semblable en tout point à celui de 1940 ?
Des navires de guerre ? Je crois que l'on doit en voir seulement 2 ou 3 à l'écran. Un navire coule sous les bombes allemandes. Celui-ci se couche lentement sur le flanc. Sur les plans larges, on voit clairement la chaine de son ancre afin que le bateau soit stable durant le tournage. Là encore, ils n'ont pas cherché à l'effacer.
Des avions ? Je crois que l'on en voit plus sur l'affiche du film qu'à l'écran !
Des soldats ? Peut-être quelques milliers dispersés sur la plage alors que 400000 soldats étaient présents. Les photos disponibles sur le net sont plus spectaculaires.
En vérité, la force du film ne vient pas du nombre, ce sont avant tout les images créées et la musique qui les accompagne qui suscitent chez le spectateur une charge émotionnelle bouleversante. Ca et le destin des personnages qui nous concerne. Je crois avoir vu tous les films de Nolan et cette approche est nouvelle chez lui, qui jusqu'à présent racontait des histoires où la démonstration méticuleuse constituait un ressort essentiel de la progression narrative. J'ai adoré ce type de cinéma, même si toutefois la démarche avait trouvé ses limites avec Interstellar où à force de vouloir démontrer l'impossible, l'ensemble était devenu un peu amphigourique.
Donc, voilà. Dans ce film, Nolan donne dans l'émotion est c'est plutôt réussi.