Ca me fait penser par association d'idée, que
Electra Glide in Blue est un film à la tonalité et à la destinée proche de celle de l'excellentissime
The Swimmer. Deux précurseurs du nouvel Hollywood qui n'ont pas eu le succès qu'ils méritaient. Il faut dire qu'ils tendaient tous les deux à l'Amérique un miroir bien dérangeant.
The Swimmer (1968), de Frank Perry et avec Burt Lancaster.
Le film est traduit en français par "Le Plongeon", qui est une assez bonne traduction qui respecte les intentions du film.
Film assez incroyable, à la limite du cinéma expérimental, dans lequel on a peine à croire que Burt Lancaster le héros hyper viril du Hollywood des années 50 puisse interpréter ce personnage.
Sauf que c'est justement là que réside l'intérêt. Ce film est en fait un road movie qui suit une double progression. Plus le personnage, Ned Merrill, interprété par Burt Lancaster va se rapprocher de sa destination, plus il va accomplir un travail d'introspection à la fois sur lui-même et à la fois sur la société et le monde qui s'écroule autour de lui. Ce monde, c'est justement l'Amérique idéalisée des années 50 et de la vacuité de son "Way of Life".
Le film débute par une scène bucolique, forestière, presque irréelle, où le long d'un cours d'eau se croisent un lapin, une chouette et un daim. On se croirait presque dans un Disney, sauf que la musique d'accompagnement nostalgique indique que quelque chose ne tourne pas rond, quelque chose ne colle pas. Apparait alors Burt Lancaster marchant dans la forêt pieds nus et en maillot de bain ! Et là on se dit que pépère a de beaux restes et que ce n'est pas pour rien qu'il a tourné "Trapèze" sans se faire doubler. Il est sacrément bien conservé pour son âge et adopte une démarche élégante de félin carnassier. Je ne manie pas ce cliché par hasard, car le scénario en joue de manière totalement assumée dans sa première partie. En sortant du bois, il se retrouve sur la propriété d'amis et plonge dans leur piscine, la traverse et sort de l'autre côté en même temps que la propriétaire des lieux lui propose un verre de gin. Plus cliché publicitaire, y'a pas ! S'en suit une discussion entre Ned Merrill et le couple d'amis, conversation la plus anodine et vide de sens qui soit, ou Ned Merrill passe pour le ravi de la crèche en trouvant le ciel merveilleux et l'eau si pure !
Toutefois dans la discussion, il apprend que tel couple d'amis vient de se faire construire sa propre piscine. Il réalise alors que de propriété en propriété, chacun de ses voisins possède une piscine et qu'il pourrait ainsi retourner chez lui de cette manière : plonger dans chacune d'elle.
Commence alors un ce qui va s'avérer être un calvaire où progressivement on va comprendre aux réactions de moins en moins amicales des gens qu'ils rencontre, à certains indices laissés dans les conversations, que le personnage présente de graves fêlures psychologiques et qu'il est probablement amnésique ou dans le déni de quelque chose. La structure du film va alterner ainsi les zones de répit, les piscines, et les zones de violences psychologiques de plus en plus forte, les jonctions à pied entre les piscines. Puis petit à petit, les piscines vont être vides et le répit ne sera plus possible, puis il va se faire progressivement éconduire par toutes les femmes qu'il rencontre (déconstruction du personnage de Burt Lancaster en maillot de bain dans "Tant qu'il y aura des hommes"), etc ... jusqu'à la fin du film qui ne nous donnera qu'un aperçu de l'explication, laissant ouvert le champ des possibles interprétations.
Film allégorique. Film contestataire. Film corrosif. Film à connaître absolument.