Pour ceux qui veulent tester les aigus de leur ensemble

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claude
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Pour ceux qui veulent tester les aigus de leur ensemble

Message par claude »

Si vous voulez écouter de la bonne musique et vous servir d'un disque test pour les aigus de votre chaîne hifi, je vous recommande par Philippe Jaroussky le cd CARESTINI.
Jaroussky c'est ce qu'on appelle un contre-ténor, c'est à dire que c'est la voix la plus aigue qui puisse exister. Cela fait penser aux voix de castrats, même si Jaroussky possède lui tous les attributs de la virilité. Le résultat est fantastique et vous avez sur votre platine un disque test rêvé: phrasé exceptionnel, voix très posée, timbre exceptionnel dans le registre aigu et par dessus tout la divine musique de Handel (le + connu).
Un moment de grâce exceptionnel.
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michel_91
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Message par michel_91 »

Petite rectification, la voix la plus aigu oui mais pour le genre masculin.
Un autre très bon contre-ténor

http://www.razekfrancoisbitar.com/index ... 54&lang=fr

http://www.babelmed.net/Pais/Syrie/raze ... &m=56&l=fr

clodomire
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Contre-ténor, haute-contre & sopraniste

Message par clodomire »

Bonjour,

Je découvre ce sujet avec un peu de retard. Non, désolé, le "contre-ténor" (terme inapproprié, voir plus bas) n'a pas la voix masculine la plus aigue. Il y a en effet des hommes adultes, ne présentant aucune déficience physiologique, et dont la voix chantée a la tessiture des sopranos féminins : pour les distinguer, on les nomme 'sopranistes'.

Il y a beaucoup de confusions et d'erreurs à propos des "contre-ténors" et autres "hautes-contre". Pour ceux qu'intéressent la question, quelques éléments ci-dessous :

Altos masculins, hautes-contre et contre-ténors procèdent de la même problématique musicale que les castrats : il s’agit de suppléer à l’église où elles sont interdites les voix féminines, c’est-à-dire les voix de registre élevé. Car les compositeurs éprouvent évidemment, en dépit de cette difficulté, la nécessité de développer la polyphonie vers le haut, vers l’aigu. Mais à la différence des castrats, ces voix ne sont pas le résultat de quelque fabrication hasardeuse, mais d’un travail purement technique sur les différents registres vocaux : registre de poitrine, voix mixte, voix de tête, encore appelée « fausset », sans que cette dénomination ancienne ne comporte une quelconque connotation péjorative. Lorsqu’il chante en fausset, le musicien n’utilise que les résonateurs de tête (d’où l’autre nom de « voix de tête »), sans s’appuyer sur la contraction habituelle des cordes vocales, ce qui aboutit à la fois à un timbre particulier et une puissance réduite (alors que les castrats avaient, à l’inverse, une voix généralement puissante).

Actuellement, le terme le plus employé est contre-ténor pour désigner un alto masculin émis en voix de fausset. En fait, il s’agit d’une simplification et de la pratique musicale et de la réalité historique. Car à l’origine, contre-ténor ne désigne pas une technique de chant ou un registre vocal, mais une voix de la polyphonie. Les trois voix essentielles de la polyphonie sont le dessus, le ténor et la basse. Le ténor, ou encore teneur, c’est la ligne qui comporte la mélodie centrale sur laquelle l’ensemble est élaboré. Le contre-ténor est donc la ligne immédiatement supérieure ; dans une polyphonie à quatre voix, on aura donc de l’aigu vers le grave dessus, contre-ténor, ténor et basse. Mais cette voix (au sens polyphonique) peut tout aussi bien être dévolue à un homme, une femme ou un instrument et son registre n’est que relatif.

Les choses vont évoluer lorsqu’au long du XVIe siècle, la polyphonie profane ou sacrée cède peu à peu la place à une pratique nouvelle, la monodie accompagnée. A partir de ce moment, il y a glissement du sens et contre-ténor en vient à désigner un type de voix chantée. Les traités anciens nous apprennent que ce que les Anglais nomment counter-tenor est appelé haute-contre en France, mais dans aucun cas il ne s’agit de désigner ainsi des chanteurs ayant recours à la technique du fausset. La haute-contre française, ou le contre-ténor anglais du XVIIe siècle, est en fait un ténor léger à émission haute, capable de chanter sans recourir au fausset des aigus hors d’atteinte d’un ténor « classique ». Il suffit de parcourir les partitions des opéras de Lully ou des motets de Charpentier pour se rendre compte qu’effectivement, certains emplois confiés à des chanteurs (dont bien souvent les noms ont été conservés) dépassent nettement vers l’aigu les possibilités d’un ténor habituel. Parmi nos artistes actuelles, Jean-Paul Fouchécourt est le parfait exemple de la haute-contre française ; on peut en particulier l’entendre dans les beaux enregistrements de Phaëton de Lully, et d’ Hippolyte et Aricie de Rameau, tous deux sous la direction de Marc Minkowski.

De l’autre côté de la Manche, la situation à la toute fin du XVIIe siècle et au XVIIIe est assez comparable. Si l’on examine les parties destinées aux counter-tenors dans les œuvres de Purcell par exemple, on s’aperçoit qu’il faut là aussi des ténors à l’aigu facile, bien proches des hautes-contre françaises. Mais déjà apparaissent des confusions ; dans les registres de l’époque, certains de ces chanteurs, dont on a les noms et les rôles, sont tantôt désignés comme ténors, tantôt comme contre-ténors, alors que tout indique qu’il ne s’agit pas de falsettistes. Comment en est-on arrivé ainsi à assimiler haute-contre, contre-ténor et alto masculin ?

Ce malentendu est selon toute vraisemblance dû au compositeur britannique Michael Tippett, passionné par les œuvres de Bach et Purcell, et qui cherchait un chanteur capable d’interpréter avec aisance les magnifiques morceaux dont l’ambitus dépasse celui des ténors. En 1943, il rencontre Alfred Deller, qui se présente comme alto et fait partie d’une des innombrables et excellentes chorales dont les Anglais ont le secret. Deller a alors 31 ans ; il est autodidacte comme chanteur et encore inconnu. Tippett, subjugué par sa technique et son timbre reconnaissable entre tous, est convaincu d’avoir retrouvé le counter-tenor perdu depuis deux cents ans. Deller est non seulement un chanteur unique à ce moment, mais aussi un extraordinaire musicien qui, guidé par un instinct quasi infaillible, redonne vie avec une éblouissante spontanéité à des répertoires plus qu’oubliés, pratiquement perdus car impossibles à exécuter faute d’exécutants. Contre-ténor plait, c’est à la fois facile et un peu mystérieux ; le terme est adopté.

En fait, Deller n’est pas contre-ténor mais alto, comme il se définissait lui-même. Il exploite essentiellement sa voix de tête et est donc falsettiste ; rien à voir avec la haute-contre à la française ou le counter-tenor de Purcell. C’est le cas de presque tous ceux que par facilité on appelle aujourd’hui contre-ténors : le très regretté Henri Ledroit, René Jacobs, Gérard Lesne, Carlos Mena, Paul Esswood, David Daniels… D’ailleurs la plupart de ces chanteurs ont une voix « naturelle » de baryton (basse-taille en vieux parler musical), à l’exception notable de Jacobs, ténor, et chantent en fausset. Mais évidemment les classifications et découpages, si rassurants, si pratiques, ne sont que des approximations de la réalité, disons, biologique ; la voix humaine est un phénomène complexe qui ne se laisse pas aisément enfermé dans des catégories rigides. Rien n’interdit en principe à un chanteur d’exploiter les différents registres de sa voix, bien qu’en pratique le passage de l’un à l’autre soit musicalement difficile à négocier. Il y a eu toutefois au XIXe siècle notamment des spécialistes, dont la technique est connue grâce aux traités qu’ils ont laissés, capables de moduler de la voix de poitrine à une quasi-voix de tête sans rupture trop marquée de timbre et de puissance.

En forme de conclusion provisoire, si j’ai effectué correctement la synthèse de mes lectures, je dirais que nos modernes contre-ténors devraient être appelés « altos masculins ». Les hautes-contre, il y en a, on l’a vu, mais leur renommée est moins brillante parce que leurs emplois, artistiquement remarquables, sont moins spectaculaires et déroutants que ces faussets proprement inouïs qui nous restituent tout un pan de notre musique. Enfin, il faut aussi dire un mot d’un phénomène marginal mais spectaculaire, celui des sopranistes, ces hommes adultes dont la voix évolue aux altitudes stratosphériques des dessus les plus éthérés. Il y en a quelques uns, comme Aris Christofellis et Oleg Riabets ; ce sont des phénomènes musicaux rares et difficiles à expliquer. Une cause parfois avancée pourrait être le refus inconscient du chanteur de perdre sa voix d’enfant, d’entrer dans le monde adulte : on est en plein psycho-somatique et franchement je ne sais ce que vaut une telle hypothèse. Une autre explication, plus satisfaisante physiologiquement parlant, serait un contretemps hormonal… De toute façon, hors les chœurs d’enfants dans lesquels il y a évidemment un pupitre de sopranos, les seuls emplois philologiquement convenables pour ces artistes sont ceux spécifiquement destinés aux castrats sopranos, ce qu’évidemment ils ne sont que du point de vue de la voix…

Sur ces considérations, je vous encourage à découvrir, si ce n’est déjà fait, les altos masculins qui font merveille dans tant d’interprétations musicologiquement scrupuleuses et artistiquement accomplies qui nous ont rendu une dimension insoupçonnée des œuvres des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Bonnes écoutes !

syber
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Message par syber »

Merci beaucoup, Clodomire, pour toutes ces explications passionnantes.

selvageski
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Message par selvageski »

wouaou !!!
bravo pour ces intéréssantes infos 8) 8)

claude
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Message par claude »

Merci de toutes ces infos. Alto masculin me va très bien. Le principal étant bien entendu la qualité de la voix.

syber
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Message par syber »

Pour l'anecdote, vous pouvez consulter les liens proposés dans ce message : http://www.forumcabasse.org/forum/viewt ... 5346#55346


Vous pourrez y télécharger en libre de droits, un des rares enregistrements de castrat. La qualité de la prestation artistique donne lieu a débat, mais c'est tout de même intéressant de connaître ce type de voix.




PS : le lien vers le site de téléchargement est parfois rompu ... :?

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